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Pays sages

 

 

At the crossroads between random signs and geometric compositions, the exhibition “Pays sages 1991” assembles a corpus of Bert Theis’s drawings and collages never yet revealed to the public. Theis produced these sketches in Italy between 1990 and 1992, while studying at the Accademia di Belle Arti di Roma.

Thanks to the major retrospective “Bert Theis: Building Philosophy-Cultivating Utopia” held at MUDAM Luxembourg in spring 2019, a sizeable part of Bert Theis’s activity prior to the 1990s emerged, revealing works produced before the pavilions and platforms for which he achieved international acclaim. The particularity of this group of enigmatic collages from 1991 is the important role they play in marking the transition from his truly figurative collages of the 1980s (in which Max Ernst is a sort of spiritual forefather) to his prominent use of white as a strong, persistent and anti-pollutant sign in subsequent work. In fact, Theis would repeatedly return to collage in the years that followed, mainly in pieces connected to city- and landscapes, as in the well-known Aggloville series.

With Pays sages Bert Theis also comes to terms with painting (hence with his background training), which would lead him in 1994 to glue together all the pages of the book L’Art de la Peinture and to apply a brushstroke of white paint to a white wall, as a tribute to Vincent van Gogh. When considering 1995 as the year of Potemkin Lock at the Venice Biennale, it becomes clear that these collages – made a few years earlier – require a broader interpretation within Theis’ career in relation to a long-term study in progress.

But what exactly are the pieces presented in “Pays sages 1991”? They seem to possess a cartographic quality, with tectonic shifts, seen from above, in which strips of different paper create tactile and graphic reliefs, like orographic maps of a real landscape. Theis often squares off the sheet, drawing a sort of rectangular border in which random or accidental signs left in ink and pencil encounter colored paper, some recursive figuration or certain phrases with a suspended meaning. This is a fluid space in which the previous figurative collages remain as simple abstract fragments that float (becoming tangent or overlapping) on the white page. The resulting impression is that of a potential space that draws Bert Theis increasingly away from the text (the painted or in any case graphic work) and closer to the context (the place, the urban and social dimension, etc.).

If we think about the series Shadow Fixing and the black signs Theis painted on the ground in an attempt to “fix” shadows, we understand that the Pays sagesare true forebears. It is no coincidence that much of Theis’ work from then on would be committed to searching for places in which to intervene.

Like a travel journal made up of delicate signs, the ensemble presented, of fourteen collages and five drawings on paper, renders the artist’s poetic and emotional response to his natural surroundings. Offering a new, perhaps more intimate insight into his work, “Pays sages 1991” is presented for the first time at the Chambre de Commerce, Luxembourg, from 8 October to 18 December 2020.

 

Marco Scotini, 2020

(translated from italian)

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Pays sages

 

 

À mi-chemin entre signes aléatoires et compositions géométriques, l’exposition inédite « Pays sages 1991 » rassemble un corpus de collages et dessins de Bert Theis jamais encore dévoilés au public. Theis a réalisé ces esquisses entre 1990 et 1992 en Italie, alors qu’il suivait des cours à l’Académie des Beaux-Arts de Rome.

Grâce à la rétrospective majeure « Bert Theis : Building Philosophy-Cultivating Utopia » présentée au MUDAM Luxembourg au printemps 2019, une partie considérable de l’activité de Bert Theis antérieure aux années 1990 s’est révélée, mettant ainsi en lumière des œuvres produites avant les pavillons et plateformes avec lesquels il connaîtra un succès international. La particularité de cet ensemble de collages énigmatiques de 1991 est le rôle pivot qu’il joue dans le passage de ses collages véritablement figuratifs des années 1980 (pour lesquels Max Ernst est une sorte de père spirituel) à la prépondérance du blanc comme élément puissant, permanent et anti-polluant dans son œuvre. Les années suivantes, Theis retournera d’ailleurs à la technique du collage, principalement dans des œuvres liées aux paysages urbain et naturel, comme sa célèbre série Aggloville.

Avec Pays sages Bert Theis renoue avec la peinture, sa technique de formation, ce qui le mènera en 1994 à coller ensemble les pages du livre L’art de la peinture et appliquer un coup de pinceau blanc à un mur blanc en hommage à Vincent van Gogh. En considérant que l’année 1995 marquait l’installation de Potemkin Lock à la Biennale de Venise, il est évident que ces collages – réalisés quelques années auparavant – demandent à être interprétés dans la continuité de la production artistique de Theis, en relation à un projet de recherche constamment en devenir.

Mais que sont réellement les œuvres présentées dans « Pays sages 1991 » ? C’est comme si, vues en plongée, elles possédaient une qualité cartographique, voire des mouvements tectoniques. Des bandes de papiers divers créent des reliefs tactiles et graphiques, telles les cartes orographiques d’un paysage réel. Theis a l’habitude d’équarrir la page, en dessinant une bordure rectangulaire dans laquelle des signes aléatoires ou accidentels inscrits à l’encre ou au crayon rencontrent papiers de couleurs, figuration récursive ou phrases au sens suspendu. C’est un espace fluide dans lequel ses anciens collages figuratifs demeurent sous forme de fragments d’abstraction parsemés, flottant jusqu’à devenir tangents ou se superposer sur la page blanche. L’impression donnée est celle d’un espace potentiel qui permettrait à Theis de s’éloigner tu texte (la peinture ou toute œuvre graphique) pour se rapprocher du contexte (l’endroit spécifique, l’urbain et ses dimensions sociales, etc.)

En songeant à la série Shadow Fixing dans laquelle l’artiste « fixe » une ombre au sol en y dessinant des signes noirs, nous comprenons que les Pays sages sont de vrais précurseurs. Ce n’est pas un hasard si par la suite la plupart des œuvres de Theis se livreront à la quête de lieux dans lesquels intervenir.

Tel un carnet de bord composé de signes délicats, l’ensemble exposé, composé de quatorze collages et cinq dessins sur papier, traduit la réponse poétique et émotionnelle de l’artiste face à son environnement naturel. Proposant une vision nouvelle, voire plus intime de son œuvre, l’exposition « Pays sages 1991 » est présentée pour la première fois à la Chambre de Commerce, Luxembourg, du 8 octobre au 18 décembre 2020.



Marco Scotini, 2020

(traduit de l’italien)